D’une rive à l’autre

Des fondateurs aux « pionniers » qui peuplèrent la Nouvelle-France en passant par les échanges économiques réciproques qui ont contribué à l’essor du port de La Rochelle et de la Nouvelle-France, les liens ne manquent pas.
Le 3 juillet 1608, Samuel Champlain originaire de Brouage, débarque à Québec pour construire un poste de traite des fourrures sur les ordres du Royannais Pierre Du Gua de Mons. Les deux compères qui avaient déjà exploré quatre ans plus tôt l’Acadie, avaient échoué par deux fois dans leurs tentatives d’implantation de colonie (sur l’île Sainte-Croix et à Port Royal). «Homme de terrain, Champlain savait que pour conserver un comptoir, il fallait d’abord asseoir une colonie de peuplement. Il avait repéré le site qui lui paraissait le plus défendable et le mieux placé pour le troc de peaux. Il s’était donc pris à rêver d’une ville et d’un nouveau monde », explique Pauline Arseneault des Archives départementales de la Charente-Maritime.
Ainsi naîtra «L’Abitation» de Québec, à la fois petite forteresse, comptoir de traite et maison.

Quand un Saintongeais fondait Québec

A l’instar de Champlain, d’autres colonisateurs, issus de notre Région, ont été à l’origine du peuplement de l’Acadie à partir de 1632-1636, tels le gouverneur Isaac de Razilly, né à Roiffé, et son second, Charles de Menou d’Aulnay. Néanmoins, le rôle majeur revient aux milliers de migrants qui sont
partis de La Rochelle et ont largement contribué à la naissance et au développement de la colonie et sont les ancêtres de dizaines de milliers de Québécois et d’Acadiens d’aujourd’hui.

Le principal foyer d’immigration

Les travaux de recherche les plus récents permettent de quantifier un peu mieux l’immigration française vers le Canada et d’évaluer «la migration fondatrice» entre 1605 et 1765, environ 8500 à 9000 personnes dont 6500 ont laissé une descendance connue. L’analyse de leur origine montre la place particulière prise par le Centre-Ouest atlantique* qui a fourni environ ¼ des fondateurs de la Nouvelle France. L’Aunis a donné, à lui seul, 1 209 migrants (852 hommes et 357 femmes) dont ¾ de Rochelais ce qui fait de La Rochelle le principal foyer de départ en France. Les ¾ des migrants sont des petites gens souvent soldats, engagés, artisans, Filles du Roi… Ceux qui partent sont des jeunes de moins de 30 ans (75 %) ambitieux, tournés vers l’extérieur, qui pour beaucoup deviendront paysans.

La Rochelle, port canadien

Les circuits de migration ont étroitement suivi les flux économiques. Une partie notable de l’activité économique de la région s’est faite en relation directe avec la Nouvelle-France jusqu’en 1763. La pêche à Terre-Neuve fait de La Rochelle, dès le milieu du XVIe siècle, l’escale incontournable en particulier pour s’approvisionner en sel avant la traversée de l’Atlantique, mais aussi un port de retour et un marché international de la morue verte et sèche. Les échanges commerciaux avec la Nouvelle France atteignent leur apogée dans la seconde moitié du XVIIe siècle : de 1630 à 1759, 50 à 60 % du trafic maritime à destination de la Nouvelle France sera assuré par des navires en provenance de La Rochelle.
A cette époque, les retours en peaux et fourrures sont impressionnants : 200 689 pour la seule année 1752 pour une valeur de 2,5 M de livres. Deux ans
plus tard, ce commerce représentera 3,9 M de livres. Les poteries saintongeaises de la Chapelle des Pots passeront ainsi d’un continent à l’autre tout comme les pierres des carrières de Saint-Même dans le Cognaçais. Le port de Rochefort participera lui, essentiellement, à l’effort de guerre dans les colonies, exportant par exemple les armes du complexe militaroindustriel de Rochefort-Ruelle. En 1760, les Anglais s’emparent de Montréal, la signature du Traité de Paris trois ans plus tard officialisera l’appartenance de la Nouvelle-France à l’Angleterre.
* (Angoumois, Aunis, Poitou, Saintonge)